On pensait avoir eu plus que sa dose en 2018. Mais non, en refusant de rapatrier six enfants syriens et leur mère, le gouvernement ressert une dernière louche d’ignominie, histoire de terminer l’année avec une bonne nausée. De la mort de Mawda à la réouverture des centres fermés pour familles, les enfants migrants n’auront pas été à la fête. On doit cependant reconnaître une certaine logique dans ce déferlement d’atteintes à leurs droits et notamment à celui de ne pas séparer les enfants de leurs parents. Tout le monde dehors et le droit à la vie familiale sera respecté.
Dans tous les médias, on retrouve ces jours-ci, un bon vieux marronnier : ce qui va changer dès le premier janvier. Ce qui risque de ne pas changer, c’est la persévérance du gouvernement Michel à jeter par-dessus bord les conventions internationales, les règles consulaires, les lois qui d’une manière ou une autre protègent les demandeurs d’asile et les migrants en général. On ne va pas revenir sur tout ce qui a été fait et défait en 2018, l’affaire des Soudanais expulsés, le projet de loi sur les visites domiciliaires, la loi qui bouleverse totalement le droit d’asile, l’abandon des migrants dans le parc Maximilien, la réouverture des centres de détention pour familles, il faut admettre que Theo Francken a été d’une grande proactivité dans ce domaine.
Le gouvernement l’a été beaucoup moins dans l’affaire des enfants de djihadistes parqués dans des camps en Syrie. Pendant des mois, les experts de Child Focus et du Centre for Children in Vulnerable Situations ont alerté les autorités sur les conditions très précaires dans lesquels vivent six enfants belges de moins de six ans. En vain. Il a fallu la décision d’un tribunal bruxellois ordonnant au gouvernement de faire rapatrier les enfants sous peine d’astreintes pour que celui-ci se réveille….en décidant, trois jours plus tard, de faire appel. Maggie De Block, qui a repris la fonction et l’approche politique deTheo Francken, ne veut pas voir les mères de ces enfants sur le territoire belge parce que ce sont « des femmes de l’Etat islamique et qu’elles n’ont pas leur place dans notre société ». Voilà un mâle langage qui va plaire aux électeurs et doit faire bisquer Theo Francken et la N-VA. Les enfants ? On verra, dit-elle. C’est tout vu. Dans son jugement, le tribunal relève que « refuser de rapatrier les mères avec leurs enfants est contraire aux droits de l’Enfant mais aussi aux droits de l’Homme ». Donc, en vertu du principe de non-séparation des familles, les enfants ne pourront que rester en Syrie. On aurait pu agir autrement : rapatrier ces deux jeunes femmes d’à peine 25 et 26 ans et faire appliquer la peine à laquelle elles ont été condamnées par défaut. Les enfants, eux, seraient à l’abri et garderaient leurs liens avec leurs mères comme beaucoup d’enfants de parents détenus.
Cela serait logique mais ce n’est pas la logique d’un gouvernement qui fait preuve depuis des années d’une grande cohérence dans sa politique hostile à l’immigration. Les centres de détention pour familles ont été rouverts pour que parents et enfants se retrouvent ensemble derrière les grilles puis dans un avion. Pas de séparation des familles, expliquait la bouche en cœur Charles Michel pour justifier l’injustifiable détention des enfants. Pas de séparation des enfants syriens avec leur mère non plus. Le droit à la vie familiale, le gouvernement la respecte à condition qu’elle ne s’exerce pas chez nous.
Et ce qui est cohérent par-dessus tout, c’est le langage, c’est la manière d’attiser la haine et la peur, avec ces propos à l’emporte-pièce que l’on a entendus chez plusieurs hommes politiques MR et N-VA en particulier. Les enfants syriens ne sont jamais présentés comme des enfants en danger mais comme des enfants « de terroristes », donc radicalisés même si certains ne parlent pas encore. Ce sont ces amalgames mélangeant tout le monde, enfants, mères, juges, ONG, en en faisant des auxiliaires du « Califat » pour reprendre l’expression toute en nuances de Bart De Wever qui amènent un déferlement de menaces et d’injures sur le site de Child Focus.
Et dire qu’officiellement la campagne électorale n’a pas encore commencé.